Le Dr Hal Puthoff a donné une conférence titrée “Bref aperçu de la position du gouvernement américain sur les PANs” lors du symposium organisé par la Sol Foundation à l'université de Stanford en novembre 2023. Malgré la brièveté de sa prise de parole, 20 minutes, il y a beaucoup à en dire, le sujet n’étant pas un court historique comme nous pourrions le croire au vu du titre, mais plutôt une première exposition des sérieux problèmes que représente la divulgation à ce moment de l'histoire.
Le Dr Puthoff commence par un rapide retour aux origines qu'il place en 1947 avec le projet SIGN. Il s'agissait d'en apprendre plus suite aux observations rapportées après la 2de guerre mondiale. Différents programmes se succédèrent alors, révélant l'intérêt plus ou moins officiel du gouvernement américain pour les PANs. Du programme SIGN en 1947, à l'abandon du projet Blue Book en 1969 suite au rapport Condon, le gouvernement a cherché à comprendre la nature et les intentions du phénomène. À ce stade, la position officielle du gouvernement, conformément aux recommandations du mémo Bolender, pouvait être résumée ainsi : nous observons un phénomène que nous ne comprenons pas, mais il ne semble pas représenter une menace immédiate pour la sécurité nationale, il sera donc suivi au même titre que d'autres menaces potentielles. Cependant en réalité, “Blue Book n'a pas disparu, il a été occulté” déclare Hal Puthoff.
Dans la suite de son intervention, le Dr. Puthoff choisit de nous parler d'une conférence à laquelle il a participé “il y a quelques décennies” à Washington. Cette conférence qui rassemblait “une vingtaine de personnes de la CIA, du DIA, de différentes agences de renseignements et des entrepreneurs” devait préparer à une divulgation. Ils devaient donc déterminer ce qu’ils pouvaient dire au public et en évaluer les conséquences. Ils découvrirent rapidement que révéler des informations publiquement aurait des conséquences triviales si nombreuses qu’elles seraient complexes à gérer en même temps. Afin d’illustrer son propos, Hal Puthoff prend pour exemple les accords que le gouvernement a signé avec certaines entreprises privées pour mener des opérations de rétro-ingénierie sur des débris. Les concurrents de ces entreprises pourraient attaquer le gouvernement en justice pour non-transparence dans l'attribution des marchés. De la même manière, le gouvernement a passé des accords de confidentialité avec ces entreprises. Accords qui se trouveraient rompus par la divulgation. Hal Puthoff, qui était initialement convaincu que la divulgation devait avoir lieu, a donc décidé de ne pas la recommander.
Puis il évoque sa participation au groupe de travail AATIP initié par les sénateurs Reid, Stevens et Inouye en 2008. Il s'agissait d'une étude à partir de zéro sur les PANs destinée à éclaircir pour la DIA leur nature et leur provenance, et en conséquence s’il fallait impérativement gagner la course engagée avec la Chine et la Russie à ce sujet. L'enquête devait se concentrer sur douze menaces potentielles identifiées qui allaient de la physique fondamentale, aux effets sur les humains, en passant par l'ingénierie. La mission du groupe de travail était de recueillir l'avis des meilleurs experts scientifiques sur ces questions. Hal Puthoff suggère que la précision des menaces identifiées laissait entendre qu'à minima, ils avaient des débris en leur possession. Après quelques essais et échecs liés en particulier à une classification excessive, le groupe d'étude a dû abandonner l'idée de confier des débris aux scientifiques pour analyse. Finalement, une délégation fut signée avec BAAS pour lancer une grande étude dans la communauté scientifique sur la question suivante : où en sera votre discipline dans 50 ans ?
Les articles recueillis dans ce cadre ont finalement été rassemblés et mis à disposition sur le site du Pentagone sous le nom DIRDS. “Cela représente un ensemble durable de documents de haute qualité” s'enthousiasme le Dr Puthoff. “En réalité, ils sont aussi bons que si nous avions pu partager les débris existants” conclu-t-il, soulignant ainsi que ces articles n'ont aucun lien ni avec des débris, ni même avec les PANs.
Le Dr Puthoff termine son exposé par un rapide tour de la situation contemporaine. Il commence par saluer l'article de Leslie Kean de 2017 qui révélait l'existence du programme AATIP. Il poursuit en rappelant le témoignage de David Grush selon lequel, le gouvernement serait en possession de matériaux, d'objets et de corps d'origine inconnue. Et il conclut par le livre récemment publié par Jim Lacatski, le colonel Kelleher et Georges Knapp sous le titre “Inside the US government covert UFO program : Initial revelations”. Pour mémoire, Jim Lacatski a participé au programme AATIP et le colonel Kelleher était à l'époque chef de projet chez BAAS. Les révélations successives de ces éminentes personnalités sont pour Hal Puthoff un argument de poids en faveur de l'existence des PANs. Il mentionne ensuite l'amendement Schumer dont il espère que l'adoption va accélérer les révélations. On sait aujourd'hui que celui-ci a été rejeté dans sa forme initiale, mais que néanmoins d'autres lois sont en cours. Le Dr Puthoff conclut ainsi sur son espoir que l'année 2024 apporte de nombreuses réponses au public.
En résumé, cette intervention fait le point, par les yeux d'un de ses acteurs, sur les péripéties de la divulgation des années 50 à nos jours. On y découvre que l'attitude, du gouvernement et des experts, a varié sur l'intérêt, l’étendue et les difficultés inhérentes aux révélations. La ligne officielle a beaucoup fluctué, contribuant à susciter la méfiance du public et le doute dans la communauté scientifique concernant l'existence des PANs.
Posons-nous un instant sur la forme de l'intervention. Elle est brève, et l'élocution d’Hal Puthoff est lente, précautionneuse. Il consulte souvent des notes, se tourne vers Leslie Kean comme pour chercher un soutien. Le moment est important, c'est certain. Voyons alors qui parle, dans quel endroit, à quel moment.
Hal Puthoff est titulaire d'un doctorat en physique théorique et expérimentale, spécialisé dans les lasers, de l'université de Stanford. Ses travaux récents portent sur l'électronique fondamentale, la gravitation et le vide quantique, mais aussi sur des approches innovantes dans la génération d'énergie et la propulsion spatiale. Son expertise l'a amené à intervenir comme conseiller sur les technologies de pointe auprès du DoD et de la NASA. Il est cité pour avoir participé à certains programmes secrets depuis les années 70 dont le projet Stargate, ce qui lui donne une notoriété dans les recherches portant sur le paranormal. Il est fondateur et directeur de l'entreprise privée Earthtech International et du centre de recherche IASI qui lui est associé. Earthtech International propose des activités de consulting et de recherche dans les domaines suivants : physique fondamentale, études interstellaires et sciences de la vie. Cette carrière fait d’Hal Puthoff un témoin privilégié et bien informé de l'histoire des PANs. Ses activités de businessman donnent un autre relief à ses remarques concernant les difficultés juridiques liées à la divulgation. Enfin, rappelons qu'il s'exprime à Stanford, devant un public d'étudiants et de scientifiques. Sa qualité d'ancien élève de l'université et d'ancien collaborateur du SRI lui assure donc une écoute de très bonne qualité.
Et c'est l'objectif recherché. Faire impression sur la communauté scientifique. En effet, cet exposé prend place dans le cadre d'un cycle de conférences, organisé par la Fondation Sol. Le principal intérêt de ce symposium est d'offrir un survol de qualité de tous les domaines interrogés par l'existence des PANs ; religion, anthropologie, physique, sécurité, astronomie, etc. Les conférences ouvrent des pistes de recherches et de réflexions, dont la fondation souhaite que les scientifiques des diverses disciplines s'emparent afin de faire avancer la connaissance sur le phénomène.
La Fondation Sol, fondée en 2023, se donne pour mission à la fois de faire avancer la recherche scientifique sur les PANs, et de proposer des conseils aux politiques pour gérer l'impact humain et social des découvertes. Elle a donc comme mission secondaire de favoriser l'accès aux données existantes quelles qu'elles soient et de s'assurer de la publicité autour de ces informations.
En conclusion, on comprend que le noeud sous-jacent du discours d’Hal Puthoff, se faisant ici le porte-parole de la Fondation Sol, est de permettre l'accès aux débris, matériaux et objets recueillis d'une part, et de convaincre les scientifiques de s'engager dans l'étude des PANs d'autre part. Il s'agit de parvenir à sortir du contrôle militaire les preuves matérielles existantes. De permettre aussi à une communauté scientifique élargie d'étudier, de collaborer afin d’accélérer la compréhension du phénomène et de faire progresser la science. Evidemment certaines entreprises comme Lockheed Martin ou Bigelow Aerospace y perdront un avantage concurrentiel important. La divulgation pourrait donc prendre encore quelques mois ou années...
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