Un groupe de plus de 200 scientifiques dresse le bilan de la recherche sur les OVNI dans l’Alabama
La Scientific Coalition for UAP Studies (SCU) a organisé du 6 au 8 juin leur congrès annuel dans la ville de Huntsville, surnommée “Rocket City” pour ses liens anciens avec la recherche aérospatiale.
Accueillant le NASA Marshall Space Center; Huntsville abrite aussi dans l’Arsenal Redstone, l’Army Space and Missile Defense Command, l’Army Aviation and Missile Command, l’Army Futures Command, le Defense Intelligence Agency et le Missile and Space Intelligence Center.
La ville est aussi candidate pour devenir le nouveau siège du Space Command.
Les contractants privés ne sont pas en reste. Boeing, Lockheed Martin, Northrop Grumman, General Dynamics, BAE systems, Teledyne Brown Engineering, Aerojet Rocketdyne, Radiance Technologies, entre autres, confèrent à Huntsville le surnom de “Pentagone du Sud”.
C’est dans ce cadre que la conférence du SCU s’est déroulée pendant trois jours au Von Braun Center. Celle-ci a ouvert sur la présentation de l’ancien directeur de l’Unidentified Aerial Phenomena Task Force (UAPTF), John Stratton. L’UAPTF était un programme actif entre août 2020 et novembre 2021, avant d’être recréé sous le nom de Airborne Object Identification and Management Synchronization Group (AOIMSG), dont le Dr. Sean Kirkpatrick prendra la direction. Ce groupe a ensuite pris le nom du All-Domain Anomaly Resolution Group (AARO) en 2023, et a pour fonction d’enquêter sur les cas de rencontres militaires entre plateformes avancées et forces américaines. Le groupe est actuellement sous la direction du Dr Jon Kosloski.
L’intervention de Stratton a été marquée par de nombreuses assertions de la part de ce vétéran des couloirs de la Défense américaine, aujourd’hui employé par Radiance Technologies. Chargé d’enquêter sur l’invasion de l’espace aérien américain par des plateformes avancées, il explique avoir commencé à vouloir en définir l’origine, en interrogeant ses propres contacts auprès de la Défense. Il n’a cependant pas réussi à trouver le programme qui aurait pu générer de tels engins. Lors de ces enquêtes, il parvenait néanmoins à récupérer des données, montrant l’existence réelle de ces appareils. Plus inquiétant, l’analyse de ces données semble montrer une prédilection de ces engins pour les sites militaires secrets.
Au fur et à mesure de l’enquête de l’UAPTF, Stratton s’est alors rendu compte de la présence d’un autre groupe, plus ancien, beaucoup plus vaste, récoltant les mêmes informations qu’eux, mais sans aucune volonté de coopération. Durant cette période, il explique avoir aussi informé le Congrès lors d’entretiens au secret, et avoir bénéficié de son soutien.
Cependant, les problématiques liées à la présence de ces plateformes avancées n'attendront pas la fin de son enquête. Il déclare que des interactions fréquentes se déroulaient le long de la côte Est. Ces objets étaient observés à la fois par le personnel militaire, mais aussi par les systèmes d’imageries et les radars à bandes multiples.
Durant une série de questions réponses à la fin de l’interview, Jon Stratton précisera que ces plateformes semblent défier notre ingénierie, mais que son équipe comprend les lois physiques qui régissent leurs technologies. Cependant, Stratton explique avoir voulu remonter les informations à sa chaîne de commandement, mais avoir été ralenti par l’administration, jusqu’à ce que l’UAPTF finisse par être dissoute.
L’une des interventions les plus intéressantes de la conférence a été donnée par le physicien Kevin Knuth de l’University at Albany. Il a commencé par présenter une série de publications qu’il a coordonnée avec le Dr Matthew Szydagis dans un numéro spécial de la revue à comité de lecture Progress in Aerospace Science, en expliquant que désormais plus aucun scientifique ne pouvait dire que rien n’avait jamais été fait sur le sujet, le corpus publié listant 506 références documentaires.
Il a cependant exprimé sa difficulté à trouver des images authentiques de plateformes avancées, et que ce serait un outil très intéressant à avoir dans l’avenir.
Dans une prise de parole rare de la part d’un scientifique, il est ensuite revenu sur le cas de Roswell en 1947, où l’armée avait d’abord déclaré avoir récupéré une soucoupe volante, avant de dire qu’il s’agissait de restes de ballons sondes. Le Dr. Knuth a expliqué que durant cette période de 1947, de nombreux signalements se sont déroulés, dont un avec plusieurs centaines de témoins.
Concernant l’explication du cas de Roswell par des ballons-sondes, il a déclaré que cela n’avait pas de sens : aucun lancement n’avait eu lieu dans cette période, et un ballon lancé précédemment aurait dû rester stationnaire à haute altitude, dans des vents de 300 km/h. Il a ensuite déclaré que le rapport historique de l’ancien directeur de l’AARO, le Dr Kirkpatrick, n’aurait jamais passé un comité de relecture. Il a cité l’exemple du cas de Val Johnson, où selon le Dr Knuth une plateforme avancée avait heurté une voiture.
Après avoir mentionné les plateformes avancées détectées dans l’océan depuis le XIXᵉ siècle, il a conclu sa présentation en expliquant comment entre les années 48 et 51, des boules de lumières vertes avaient été observées aux États-Unis à proximité d’installations stratégiques par des scientifiques et des astronomes de renom, ce qui avait déclenché des réunions de crises à Los Alamos.
Une autre intervention très intéressante a été donnée par le Dr Silvano Colombano. Après une carrière passée à la NASA, il a expliqué que la plupart des personnes en faisant partie étaient ouvertes au sujet des plateformes avancées, mais que la résistance venait de l'institution, et du Congrès, car il s’agissait d’un sujet de dépense injustifiée de fonds publics pour certains représentants élus.
Il a ensuite donné son opinion sur le champ de la recherche sur les plateformes avancées. Pour lui, l'un des problèmes majeurs est le manque de clarté avec lequel les scientifiques qui mènent des recherches sur le sujet se présentent. Un des autres problèmes est de définir les critères d’admission de preuves. Qu’est-ce qui serait accepté par le consensus scientifique comme étant une preuve irréfutable d’une origine extraterrestre ? Cette question n’étant pas résolue aujourd’hui, les efforts restent hasardeux.
Il a aussi averti d’un problème récurrent concernant ce champ de recherche. Les champs scientifiques nécessaires pour mener une enquête sur un cas ou une zone étant très divers, il faudrait que les enquêteurs puissent se reposer sur des équipes disciplinaires spécialisées, ou sinon ils commettraient fatidiquement des erreurs, ce qui contribuerait au stigma.
Il a ensuite insisté sur le fait que l’étude de ces plateformes avancées, étant une étude de terrain, devait être conçue comme une étude statistique d’un grand nombre de cas, car il y aurait toujours des erreurs dans une minorité des cas observés. De même, des erreurs dans certains cas ne pouvaient invalider l’ensemble de la recherche, puisque dues aux conditions mêmes de l’enquête de terrain.
Le Dr Colombano a toutefois noté lors des questions réponses qu’une des difficultés tenait au fait que certaines personnes disposent de réponses aux questions des scientifiques, mais refusent de les divulguer, ce qui est contraire au paradigme scientifique selon lui.
Une grande partie de la conférence a été consacrée à la présentation d’instruments d’observations. Le Dr Wesley Watters a montré le fonctionnement de son détecteur “Noctifer”, dédié à l’observation nocturne, à faible coût, capable d’être déployé rapidement sur le terrain, et équipé d’une collection de capteurs permettant l’observation multimodale de l’environnement, et le traitement automatique des trajectoires relevées.
Le Dr Hakan Kayal a présenté son projet d’observatoire de plateformes avancées sur Mars, utilisant des stations relais initialement conçus pour récupérer les données issues des robots d’exploration, et profitant de l’absence de toute technologie volante dans l’atmosphère martienne. Un test terrestre sera mené sur la plus haute montagne d’Allemagne. Il a appelé à la collaboration entre scientifiques et institutions gouvernementales pour mettre au point des systèmes de surveillance capables à la fois de couvrir les zones stratégiques et de mener des recherches sur les plateformes avancées.
Le Dr Stephen Bruehl a montré comment mener une étude par groupement des cas d’observations de plateformes avancées, en cherchant des corrélations entre formes, vitesses, comportement et radiations, dans le but de mettre en place une première taxonomie. Il a remarqué que ses études préliminaires semblaient bien indiquer un lien entre la forme des engins et leurs capacités.
Le Dr Laura Domine a présenté les essais de calibration de l’observatoire mis en place par le Projet Galileo du Dr Avi Loeb à Harvard. Elle a aussi évoqué les problématiques de fusion de données, expliquant que les efforts fournis pour l’étude des PAN pouvaient être réutilisés dans de nombreux autres champs de la science nécessitant une surveillance des conditions environnementales. Un des défis à résoudre reste la mise au point d’un moyen de sélection des informations intéressantes, chaque observatoire générant une quantité massive de données.
Gene Greneker a présenté des recherches particulièrement intéressantes concernant la détection de radiations EM et l’utilisation de radars passifs. Il a expliqué comment mettre en place des systèmes radio permettant de récupérer les signaux émis par ces plateformes, en vue de leur caractérisation. Couplé à un système de radar passif détectant les décalages Doppler, montrant ainsi les accélérations soudaines de plateformes avancées dans l’environnement, cela permettrait de réduire en grande partie le nombre de candidats potentiels détectés. Avec l’ajout d’une deuxième antenne spécifiquement utilisée pour récupérer le signal de fond servant à illuminer l’objet, le dispositif peut alors récupérer le signal issu de l’engin lui-même par soustraction.
Concernant l’enquête de terrain, Ben Hansen a présenté une étude intéressante qu’il a mené à partir de l’observation de l’officier Robert Klein. Celui-ci a observé une boule de lumière qui a éclairé son véhicule de patrouille avant de s’éloigner vers un lac, et qu’il a réussi à filmer. Ben Hansen et son équipe ont pu tester sur place la réponse d’une caméra avec une lanterne thaïlandaise et un drone équipé de LED pour vérifier les courbes de réponse à la lumière.
Ben Hansen a aussi trouvé d’autres témoins ayant observé des événements similaires, certains remontant à 2013.
La conférence a aussi été l’occasion de voir les différents projets du SCU en cours.
Le projet Drone, consistant en l’étude de plus de 17 000 cas de rencontres aériennes entre plateformes et pilotes, dont l’analyse statistique montre que l’immense majorité d’entre eux ont lieu au-dessus de 400 pieds - une altitude demandant un permis spécial pour y voler.
Le projet GR est lui consacré à l’étude de corrélation entre signatures de propulsion de plateformes avancées et les équations de la Relativité Générale.
Le Projet d'Étude des Intentions vise lui à identifier les motifs récurrents dans les détections de ces plateformes pour en déduire leurs objectifs et pouvoir anticiper les enjeux de défense stratégique.
Le Projet USO est lui consacré à la sauvegarde des archives de Carl Feindt qui a enquêté sur les cas d'observations marines. Ce projet vise aussi à étudier les cas de crashs de plateformes dans un environnement marin et les effets sur l’eau.
Enfin, le projet Database vise à créer un atlas de toutes les bases de données existantes sur les observations de ces engins, afin de mener par IA une recherche de motifs récurrents.
Par la suite, Keith Taylor a présenté les différents efforts en cours cherchant à attirer l’attention du public sur le sujet. De son côté, Stephen Grosvenor a donné une liste exhaustive des différents moyens d’analyse des cas d’observations, avant de présenter des pistes de réflexion en fonction des intentions hostiles ou favorables qui pourraient animer les pilotes de plateformes avancées. Courtney Bower a présenté une réflexion sur le déplacement de l’étude de ces objets à une forme d’étude SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence) locale, montrant qu’il y avait des précédents déjà publiés sur cette piste de cadrage de la recherche scientifique.
Une des dernières présentations était l’une des plus intéressantes. Le Dr Matthew Szydagis a montré le fruit de ses recherches actuelles : de nouvelles études sur les débris récupérés en 1996 par Art Bell, et étudiés précédemment sous commission de l’AARO par le laboratoire d’Oak Ridge du Département de l’Energie, sous l’égide de l’université du Tennessee et de l’institut Batelle. Utilisant la technique d’analyse par activation de neutron, le Dr Szydagis a détecté la présence d’uranium dans les débris récupérés. Cependant, l’origine de ces débris est encore discutée aujourd’hui.
Le panel de clôture de la conférence a été quasiment entièrement consacré aux questions de financement de la recherche, les membres du panel expliquant que l’une des difficultés majeures de la recherche sur les plateformes avancées étaient la nécessité de recourir à des fonds personnels alors que tous les autres champs de recherche peuvent demander des subventions à des structures publiques.
Une question posée à la fin de la conférence s’est avérée d’un grand intérêt. Interrogée sur la nature potentiellement interdimensionnelle de ces phénomènes, le Dr Domine a répondu que, en l’absence de données concrètes, cette notion n’était pas utilisable expérimentalement.
Cette conférence a été l’occasion de faire le bilan des recherches en cours, montrant la vitalité d’une science émergente aux États-Unis. Il sera intéressant de voir si les institutions finiront par accepter d’ouvrir les financements pour lancer une recherche publique sur les plateformes avancées, alors même que le sujet est suivi par une agence gouvernementale depuis plusieurs années.